mardi 27 mai 2014

D'un siècle à l'autre

Eugène est mon arrière grand-père. Son métier explique mes passions, mes aptitudes et mes inclinaisons.

Eugène Joseph Albert est né à Auffay, le 3 février 1881. Il est le fils unique d' Albert et Octavie, merciers de la rue des Halles. Il grandit dans la mercerie, fréquente l'école puis le pensionnat de Rouen jusqu'à un niveau d'instruction honorable pour l'époque. Il devient garçon de commerce dans la boutique de son père qu'il reprendra à son mariage avec Hélène Durand en 1907.


Je suis née en Normandie, j'ai passée une partie de mon enfance là où l'herbe propose des nuances irréelles de vert. Je me souviens des clapiers à lapins en béton. Les murs de briques rouges me donnent invariablement le bourdon.

Une brochette de blonds, rue des fontaines. Auffay.
Clapiers à lapin...

Le couple aura une première fille, Marguerite, malheureusement emportée par une méningite à deux ans, puis suivra Marie et Annette, mes grands-tantes puis beaucoup, beaucoup plus tard, ma grand-mère Françoise. La famille vit au-dessus de la mercerie qui donne sur la place du marché et la rue Narcisse Dufour. Le magasin s'ouvre sur un grand comptoir en bois, des boîtes et des coupons de tissus remplissent les étagères. 


Isidor Albert Thieury dans la mercerie de la rue Narcisse Dufour. Auffay
Eugène Thieury, garçon de commerce
Isidor Albert, ancien tailleur, dans sa mercerie de la rue Dufour.
Eugène et sa nouvelle enseigne
Réception de colis en provenance des filatures de Belfort ?
En enfilade, derrière le mur de la publicité des sous-vêtements du Docteur Rasurel, se trouve l'arrière-boutique, puis la cuisine et une cour intérieure où sont situées les commodités... Pas si commode. S'y trouve aussi un escalier étroit qui permet de monter aux étages, distribuant de part et d'autres, deux pièces. Probablement une salle à manger et une chambre. Au troisième, deux chambres et le dernier étage donne sur un grenier. Est-ce que le papier peint pourrait être d'origine ? Rien ne semble avoir tant changé en un siècle. Le temps est figé.


La vie s'écoule lentement. Les dimanches, les filles, accompagnées d'Eugène et d'Hélène passent du temps dans le jardin de la maison des grands parents de la rue aux Moines. Les jours de la semaine, Eugène est mercier, ami avec ses voisins : le boucher et le bourrelier, témoins de leur vie familiale d'après des registres municipaux.



A ses heures perdues, Eugène est aquarelliste, sculpteur ou photographe alors que je m'essaye encore de maîtriser le pinceau. Mes années sculpture reviennent à la surface. J'aime l'image. Encore des points communs !

Aïeul théâtral ? On dirait qu'Hercule Poirot n'est pas loin !
Eugène est un personnage résolument moderne pour son époque à en croire les souvenirs de ma grand-mère. Couseuse, bidouilleuse, tricoteuse depuis mon enfance, je n'aurais jamais pu avoir cette réputation mais je partage quelques talents avec cette famille que je n'ai pas connu ...


Ma grand-tante Marie avait toujours un ouvrage dans les mains. Son fils Jacques, m'a fait un magnifique cadeau du temps jadis : du fil Cartier Bresson et DMC issu de la mercerie d'Eugène, une boite comportant des ouvrages en crochet de Marie non achevés, de la passementerie...

Dites, cela vous rappelle quelque chose la petite note manuscrite ? Il s'agit d'une explication d'un carré en crochet écrit sur une page de 1924 !

 
Crochet couvre-lit
Petit carré
Faire un petit rond de 5 mailles
Faire dans ce rond 3 brides simples, une maille, 3 brides simples pour le premier rang.
Pour les autres rangs, 3 brides dans la maille du milieu, ce qui forme le carré.
---
Pour le grand carré, étoile 7 mailles.

Alors ? Qui essaiera ?


Ce métrage inachevé manque de grille pour poursuivre les motifs, mais j'ai le fil !


J'ai les explications de celui-là, en provenance de la page 207 du journal la mode illustrée dont la date de parution ne figure nulle part. Ce journal a disparu l'année du décès d'Eugène en 1937.


Tout cela est si familier qu'il me semble être tissée de ce coton, taillée dans le tissu, tenue par les aiguilles, mes origines se trouvent dans la petite mercerie d'Auffay si souvent racontée par ma grand-mère. "Aufée" disait elle...O fée...

D'un siècle à l'autre, il n'y a pas de coïncidences possibles. Il fallait juste regarder un peu en arrière pour trouver l'inspiration, remettre au goût du jour ces trésors délaissés et surtout, les partager !

7 commentaires:

  1. Bien raconté ; merci pour le partage
    - hibiscus -

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  2. Bel hommage qui croise une de mes activités professionnelles

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  3. L'histoire contemporaine !!!! La mercerie ? A la vitesse que tu dégaines de la Rowan handknit cotton, je ne serais pas si surprise, finalement ;o)
    Maintenant, si tu es historienne, je peux t'assurer que ce que j'ai publié là est la partie visible de l'iceberg ! Il y a des albums de cartes postales à n'en plus finir, des contrats de mariage, des situations militaires pendant 14 (Eugène est de la promo 1901...). C'est épatant de plonger là dedans !

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  4. C'est magnifique cette histoire de famille et tes trésors reçus donnent envie de les voir et les toucher.

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  5. Traverse l'océan et vient me voir !

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  6. merci d'avoir partagé avec nous cette histoire familiale
    ma grand mère tenait un atelier de couture ,où elle a employé jusqu'à une vingtaine d'ouvrières par moment ,à angers . je regrette qu'elle n'ait pas tenue de journal de bord ,sur son parcours ,elle a continuer à travailler jusqu'à 80 ans (toute seule à la fin,évidement).je n'ai comme souvenir les photos de famille où on voit les vêtements portés par ses filles ,avec tous "ces détails couture "
    merci encore de ce partage
    chantal

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